Le macaron « PEGI 18 » sur une boîte de jeu vidéo suffit souvent à déclencher une alarme chez les parents. Pourtant, derrière l’avertissement se cache parfois une opportunité inattendue. Loin d’être une simple source de conflit, un jeu aussi riche et attendu que la prochaine fresque se déroulant dans le Japon féodal peut devenir un puissant levier de communication et de partage. La clé n’est pas d’interdire, mais d’accompagner, de questionner et de transformer l’expérience de jeu en une aventure familiale partagée, où même les produits dérivés, comme la collection dédiée à Assassin’s Creed Shadows, deviennent des points de contact.
Notre thèse est simple : plutôt que de craindre le jeu, utilisons-le comme une passerelle. Une passerelle vers des discussions sur l’histoire, la morale, la stratégie et la culture, renforçant ainsi la confiance et le lien avec votre adolescent à une période charnière de sa vie. Il s’agit de changer de perspective : voir le jeu non comme un isolant, mais comme un catalyseur de dialogue.
Le jeu vidéo en famille : les points clés
- Repenser le PEGI 18 : Utilisez la classification comme un point de départ pour un dialogue sur la maturité et la confiance, et non comme une interdiction.
- Explorer la culture : Profitez du cadre historique du Japon féodal pour initier des découvertes culturelles et développer l’esprit critique.
- Discuter de sujets complexes : Servez-vous des personnages et de leurs dilemmes pour aborder la morale, l’identité et les conséquences des choix.
- Renforcer le lien : Transformez le temps de jeu en un moment de partage et d’écoute active pour mieux comprendre l’univers de votre adolescent.
Apprivoiser le PEGI 18 : faire de la classification un outil de dialogue et de confiance
La première réaction face à la classification PEGI 18 est souvent la méfiance. Pourtant, cet indicateur est avant tout un guide sur la maturité requise pour aborder certains contenus. Plutôt qu’un mur, il peut devenir la première brique d’un édifice de confiance. D’ailleurs, une majorité d’acheteurs français reconnaît déjà la classification PEGI, puisque 69% des acheteurs de jeux vidéo connaissent le système PEGI, ce qui en fait une base de discussion commune.
Que signifie vraiment le label PEGI 18 ?
Il indique que le jeu contient des scènes (violence, langage) non adaptées aux mineurs. Il ne juge pas la qualité du jeu, mais signale un contenu nécessitant de la maturité et du recul, à la manière d’un film pour adultes.
La solution la plus constructive est d’établir un « contrat de jeu » familial. Discutez ensemble des règles : le temps d’écran autorisé, les moments dédiés au jeu (éviter de jouer seul la nuit, par exemple), et les conditions. Cette démarche responsabilise l’adolescent et rassure le parent. Il ne s’agit plus d’une activité clandestine, mais d’un loisir encadré et basé sur un accord mutuel. La discussion peut aussi porter sur la nature de la violence : apprenez-lui à distinguer la violence gratuite de celle qui sert un récit historique, comme on le ferait pour un film tel que « Le Dernier Samouraï ».

Cette approche collaborative transforme radicalement la dynamique. En effet, de plus en plus de familles intègrent le jeu vidéo dans leurs activités communes. L’objectif principal est bien souvent le partage, puisque 63% des parents qui jouent avec leurs enfants citent ‘passer du temps ensemble’ comme motivation, et 56% mentionnent le désir de ‘créer de beaux souvenirs’. Le jeu devient un prétexte pour se retrouver et échanger.
Le jeu vidéo s’affirme comme un puissant outil de sociabilité. Tous les joueurs font l’expérience du jeu en solo, mais 59% jouent également à plusieurs, et 71% des parents déclarent jouer avec leurs enfants au moins occasionnellement.
– Étude AFJV 2024, Les français et le jeu vidéo – 2024
Le Japon féodal comme passerelle : initier un véritable échange culturel en famille
L’un des plus grands atouts d’Assassin’s Creed Shadows est son cadre historique immersif. Le jeu n’est pas qu’un terrain de jeu, c’est un musée interactif. La plupart des jeux de la série intègrent un codex, une encyclopédie qui détaille les personnages, les lieux et les concepts historiques rencontrés. Ce codex est une mine d’or pour susciter la curiosité : « Qui étaient vraiment les shinobi ? », « Quelle est la véritable histoire du château que tu viens d’explorer ? ».
C’est l’occasion parfaite de transformer le jeu en une activité d’investigation critique. Explorez ensemble les libertés prises par les créateurs. Discutez de la différence entre une fiction historique, qui dramatise les événements pour le récit, et un documentaire. Cela développe l’esprit d’analyse de votre adolescent tout en partageant une recherche commune.
L’estampe japonaise ukiyo-e : une porte d’entrée vers la culture nippone
L’ukiyo-e (‘images du monde flottant’) s’est épanouie durant l’époque Edo (1603-1868), la période suivant directement le contexte de Shadows. Ces estampes représentaient la vie quotidienne, les acteurs de théâtre, les paysages et les traditions. En explorant ensemble le codex du jeu et en recherchant des estampes de maîtres comme Hokusai ou Hiroshige, les adolescents découvrent l’art, l’histoire et l’esthétique japonaise de manière organique, transformant le jeu en véritable cours d’histoire vivant.
Laissez le jeu ouvrir des portes sur la culture japonaise au sens large. L’immersion peut se poursuivre bien après avoir posé la manette. Proposez de regarder un film d’Akira Kurosawa, de vous intéresser ensemble à l’art de l’estampe (ukiyo-e), ou même de tenter de cuisiner un plat japonais mentionné dans le jeu. Ces activités ancrent l’expérience virtuelle dans le monde réel et créent des souvenirs partagés.
Activités familiales pour explorer la culture japonaise
- Étape 1 : Consultez ensemble le codex du jeu pour identifier des éléments historiques (personnages, lieux, techniques).
- Étape 2 : Recherchez des images ou documentaires (films de Kurosawa, ukiyo-e, architecture) correspondant à ces éléments.
- Étape 3 : Organisez une séance ‘cinéma famille’ : regardez un film de Kurosawa (ex : Les Sept Samouraïs) mentionné dans les ressources du jeu.
- Étape 4 : Préparez ensemble un plat japonais traditionnel mentionné dans les dialogues ou descriptions du jeu.
- Étape 5 : Posez des questions ouvertes : ‘Qu’as-tu découvert sur le Japon que tu ne connaissais pas avant ?’ ou ‘Quels personnages historiques as-tu trouvés les plus intéressants ?’
Incarner Yasuke et Naoe : une double perspective pour aborder des sujets complexes
Le choix d’un double protagoniste, Yasuke et Naoe, n’est pas anodin. Il offre une dualité de gameplay (force brute contre infiltration discrète) qui peut servir de métaphore pour discuter des différentes manières de résoudre un problème dans la vie. Faut-il toujours foncer ou la patience et la ruse sont-elles parfois plus efficaces ? C’est un excellent sujet de conversation sur la stratégie et l’adaptabilité.

Cette dualité symbolise deux approches complémentaires de la vie et des défis. Observer votre adolescent naviguer entre ces deux styles peut vous donner des indices sur sa manière de penser et ouvrir des discussions sur la flexibilité, la prise de risque et la résolution de problèmes.
Yasuke : le samouraï africain – un personnage historique controversé
Yasuke était un homme d’origine africaine qui a servi le seigneur de guerre Oda Nobunaga au XVIe siècle. Sa présence en tant que co-protagoniste dans le jeu a suscité des débats sur l’authenticité et l’inclusivité. Comme l’explique une analyse de la controverse, cette dernière offre une excellente opportunité pour aborder avec l’adolescent des thématiques complexes : qu’est-ce que la fiction historique ? Comment concilier divertissement et rigueur ? Quels sont les enjeux de représentation dans les médias ?
Au-delà de la controverse, les personnages sont des vecteurs de thèmes puissants. Comme le soulignent des discussions au sein de la communauté des joueurs, Yasuke, en tant qu’étranger, permet d’explorer l’intégration, le racisme et la perception de l’autre. Naoe, la shinobi, incarne l’héritage et le poids des traditions. Enfin, le format RPG du jeu, avec ses choix de dialogues et ses quêtes à embranchements, est une invitation à discuter de morale, de conséquences et de prise de décision.
Les systèmes de choix, omniprésents dans les jeux de rôle, répondent au besoin de capturer l’essence d’un jeu de plateau tout en offrant bien plus. Ces choix nous permettent de confronter notre propre moralité à celle d’univers imaginaires, transformant ainsi le joueur en véritable héros de son propre récit.
– PointNThink, Une réflexion sur la notion de choix dans les jeux vidéo en compagnie de Baldur’s Gate 3
Synthèse
- Le PEGI 18 est un guide de maturité, pas une interdiction, et un point de départ pour le dialogue.
- Le contexte historique du jeu est une porte d’entrée unique vers la culture japonaise et l’esprit critique.
- La dualité des personnages permet d’aborder des thèmes complexes comme l’identité et la morale.
- S’intéresser au jeu de son ado (mécaniques, choix) renforce le lien et la confiance mutuelle.
Après la manette : un guide de conversation pour ancrer le jeu dans la vie réelle
L’échange le plus précieux a souvent lieu une fois la console éteinte. La clé est l’écoute active et l’intérêt sincère. L’objectif n’est pas d’interroger, mais de converser. Montrez que vous vous intéressez à son univers, pas seulement à l’histoire, mais aussi aux mécaniques du jeu : « Montre-moi comment tu personnalises ton équipement » ou « Quelle est ta compétence préférée et pourquoi est-elle utile ? ». Comprendre ce qui le passionne est essentiel pour suivre l’actualité des jeunes et leurs centres d’intérêt.
Pour guider ces échanges sans paraître intrusif, il est utile d’adopter une approche constructive. Il s’agit de créer un espace sûr où votre adolescent se sent libre de partager ses expériences de jeu, qu’elles soient gratifiantes ou frustrantes.
| À FAIRE | À ÉVITER | Objectif | 
|---|---|---|
| Écouter activement sans juger immédiatement | Sermonner ou imposer votre point de vue | Créer un espace de confiance où l’adolescent se sent entendu | 
| Poser des questions ouvertes sur ses choix et découvertes | Critiquer les jeux vidéo ou le loisir en général | Montrer de l’intérêt sincère et explorer ensemble sa perspective | 
| Fixer des limites claires et ensemble (co-construction) | Interdire brutalement ou contrôler sans dialogue | Responsabiliser l’adolescent tout en posant des garde-fous sains | 
| Observer et participer occasionnellement (‘mode spectateur’) | Rester totalement absent ou constamment présent | Découvrir son univers tout en respectant son autonomie | 
| Connecter le jeu à des savoirs réels (histoire, morale, stratégie) | Réduire le jeu à une simple perte de temps | Transformer le loisir en opportunité d’apprentissage enrichissante | 
Ces conversations peuvent aussi être l’occasion d’aborder la question de l’équilibre. Le temps de jeu moyen quotidien en France, variant de 52 minutes par jour pour les 11-14 ans à 1h42 pour les 15-24 ans, peut servir de base de discussion pour trouver le juste milieu entre les loisirs numériques et les autres activités. Une autre excellente technique est le « mode spectateur » : proposez simplement de le regarder jouer pendant 15 minutes, comme on regarderait une série ensemble. C’est un moyen simple de partager son expérience et de commenter en direct.
Questions pour dialoguer après le jeu
- Étape 1 : Posez des questions ouvertes sur l’expérience (‘Quelle a été la mission la plus intéressante aujourd’hui et pourquoi ?’).
- Étape 2 : Explorez les choix moraux (‘As-tu fait face à un dilemme difficile ? Qu’aurais-tu fait à la place du personnage ?’).
- Étape 3 : Intéressez-vous aux mécaniques (‘Montre-moi comment tu as résolu ce puzzle’ ou ‘Quel équipement préfères-tu et pourquoi ?’).
- Étape 4 : Instaurer le ‘mode spectateur’ occasionnel (regarder 15 minutes ensemble et commenter en direct).
- Étape 5 : Connectez aux savoirs réels (‘As-tu appris quelque chose sur le Japon que tu ne connaissais pas ?’).
Finalement, s’immerger dans l’univers de jeu de son adolescent, c’est lui montrer qu’on le respecte et qu’on valorise ce qui compte pour lui. Ces moments partagés autour d’une manette peuvent être le prélude à d’autres aventures. Pourquoi ne pas prolonger l’expérience en explorant d’autres horizons ? Vous pourriez par exemple Découvrir 10 expériences familiales à vivre ensemble dans le monde réel.
Questions fréquentes sur les loisirs adolescents
Mon adolescent peut-il jouer seul à un jeu PEGI 18 comme Assassin’s Creed Shadows ?
C’est déconseillé, surtout au début. L’approche la plus bénéfique est d’en faire une expérience accompagnée. Fixez des règles claires ensemble, comme ne pas jouer tard la nuit et privilégier des sessions où vous pouvez échanger, même si vous ne jouez pas directement avec lui.
Le jeu est-il une représentation fidèle du Japon féodal ?
C’est une fiction historique, pas un documentaire. Il prend des libertés créatives pour les besoins du récit, mais s’appuie sur une base réelle (personnages, lieux, événements). C’est une excellente occasion d’apprendre à distinguer les faits de la fiction avec votre adolescent.
Comment aborder le sujet de la violence dans le jeu ?
Contextualisez-la. Discutez de son rôle dans la narration, comme vous le feriez pour un film historique. Aidez votre adolescent à faire la différence entre la violence gratuite et celle qui sert un propos, et interrogez-le sur son ressenti face à certaines scènes pour ouvrir le dialogue.
